Le Colosse
Ces pivoines à grosse tête ne te font pas sourire, ma jolie.
Le parfum de miel du seringat ne t’enivre donc pas.
Je regarde ces flancs monstrueux qui nous masquent le ciel.
Vois, ma douce, ce petit lézard se faufiler entre les interstices.
Les rayons du soleil couchant font palpiter son ventre blanc.
Je regarde les écailles pétrifiées du dragon immobile.
La nuit est venue, ma belle.
Ecoute le chant épuré de l’oiseau solitaire.
Il appelle sa compagne.
J’entends monter les plaintes des corps sacrifiés.
Dragon des Dix Mille Li,
Le dragon mangeurs d’hommes
Déroule au dessus de nos têtes ses anneaux ondoyants
Ses excroissances crénelées
Ses tourelles aux toits recourbés.
D’orgueilleuses légendes
Admiratives de sa démesure
Le disent visible depuis la lune.
Parangon de la terreur.
Rempart de l’homme contre lui même.
© Camille Pioz