A l’écoute
Les robinets fuient, les tuyaux chantent
Et les murs ?
Les murs, ils parlent - du moins les siens
Ils lui parlent, à lui,
Quand il prépare son café
Quand il griffonne en rêvassant
Quand il reste la nuit sans dormir
Les yeux grands ouverts sur les ombres de sa chambre
Ils lui susurrent des obscénités
L’insultent doucement : bromure, fissure, ordure
Ses mains collées sur les oreilles
Il les entend toujours
Ce soir il a dîné ailleurs
Seul avec trop de monde, trop de paroles vides
Et chez lui, sitôt poussé la porte, les murs ont repris le crachoir
Ils n’arrêtent pas, un vrai déluge, mais cette fois il comprend
Derrière les mots ils veulent sa peau
Les murs vont l’écraser
Du flot mortel de leurs vieilles pierres
De leurs sédiments de papier
De leurs peintures délavées
Vite, vite, de l’air
Dehors table, chaise, livres, matelas
Il a si peur, il a si mal,
Sa tête en vrac, la fenêtre éventrée
Brisures, coupures, ses vêtements le brûlent
Il va y passer
Dans l’immeuble des fenêtres s’allument
Il ne les voit pas mais dans la cour
Une grosse dame aux cheveux en bataille
On dirait une potiche débordant de broussailles
Lui dit d’ouvrir sa porte
De l’autre côté, des gens vont vous aider
Faut-il la croire ? Guidé par sa voix lente
Entre les murs de la mer Rouge
Il titube, en sueur, pas à pas vers l’entrée
Les gens l’attendent, avec une couverture
Et bientôt l’ambulance, la piqûre
Voilà que l’homme s’endort
En soupirant
Il n’entend plus qu’une rumeur, un murmure
Dans la cour quelques ombres s’attardent
Les voisins, ces inconnus
© Alice Calder