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Bordures du champ secret
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7 juin 2012

A l’écoute


Les robinets fuient, les tuyaux chantent

Et les murs ?

Les murs, ils parlent - du moins les siens

Ils lui parlent, à lui,

Quand il prépare son café

Quand il griffonne en rêvassant

Quand il reste la nuit sans dormir

Les yeux grands ouverts sur les ombres de sa chambre

Ils lui susurrent des obscénités

L’insultent doucement : bromure, fissure, ordure

Ses mains collées sur les oreilles

Il les entend toujours

 

Ce soir il a dîné ailleurs

Seul avec trop de monde, trop de paroles vides

Et chez lui, sitôt poussé la porte, les murs ont repris le crachoir

Ils n’arrêtent pas, un vrai déluge, mais cette fois il comprend

Derrière les mots ils veulent sa peau

Les murs vont l’écraser

Du flot mortel de leurs vieilles pierres

De leurs sédiments de papier

De leurs peintures délavées

Vite, vite, de l’air

Dehors table, chaise, livres, matelas

Il a si peur, il a si mal,

Sa tête en vrac, la fenêtre éventrée

Brisures, coupures, ses vêtements le brûlent

Il va y passer

 

Dans l’immeuble des fenêtres s’allument

Il ne les voit pas mais dans la cour

Une grosse dame aux cheveux en bataille

On dirait une potiche débordant de broussailles

Lui dit d’ouvrir sa porte

De l’autre côté, des gens vont vous aider

Faut-il la croire ? Guidé par sa voix lente

Entre les murs de la mer Rouge

Il titube, en sueur, pas à pas vers l’entrée

Les gens l’attendent, avec une couverture

Et bientôt l’ambulance, la piqûre

Voilà que l’homme s’endort

En soupirant

Il n’entend plus qu’une rumeur, un murmure

Dans la cour quelques ombres s’attardent

Les voisins, ces inconnus

© Alice Calder


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