S’il vient quelque nuage
A Daniel Marquet
Tu avais dit, dès la fin du printemps
Et moi, s’il vient quelque nuage
Tu avais ajouté… ce sera un dimanche
Et moi, quand les prés refleurissent
Tu avais hésité... quand viendra le regain
Et moi, juste avant les moissons
Tu avais chuchoté… un soir après la classe
Et moi, les nouvelles sont bonnes
Tu n’avais rien répondu
J’avais tendu mes lèvres
Tu avais proposé de partir en avance
J’avais attendu devant notre chemin
Tu avais roulé doucement dans le soleil
Je m’étais serrée contre toi
Tu avais laissé le vélo dans la cour de l’hôtel
J’étais montée en te tenant la main
Tu avais voulu parler encore
Tu avais la tête sur mon corsage
Nous avions compté à l’hôtel les minutes qui séparent
Les minutes qui approchent du départ
La foule osait... dès la fin du printemps
Et moi, s’il vient quelque nuage
La foule pensait…quand viendra le regain
Et moi, quand les prés…
La foule, les nouvelles sont bonnes
Un homme, en passant… Juste avant les moissons !
Moi sur le quai
Toi sur le marchepied, nous ne répondions rien
Le train partait, c’était prévu, on a ouvert nos mains
Tu m’as écrit, dès la fin de l’été
Et moi, aussitôt, j’ai répondu, sous un nuage
J’ai répondu, aussitôt, un soir
Après la classe
Puis les nuages gris, puis les nuages noirs
Puis les nuages encore
Et les nuages. Les nuages.
© JPR 15 juillet 2012
Daniel Marquet, Instituteur à Rosay (Seine et Oise) né le 10 octobre 1889, Matricule 11545, classe 1909. « Tué à l’ennemi », le 28 septembre 1915, à Massiges, dans la Marne.