Autre aperçu
Le crocodile somnole
Un oeil morne posé sur le fleuve
On ne sait jamais
Il en passe, du monde par ici
Des gens sur des pirogues
Les uns chantent, d’autres bavardent
D’autres encore se taisent
Ils regardent juste l’eau boueuse
Qui file vers l’aval, régurgitant
Tous ses glouglous, ses tourbillons et ses bulles jaunes
Les lions viennent boire, en famille
Des gobe-mouches étourdis de soleil
Des chiens sans maître, des grenouilles sans ressort
Des serpents circonspects, de vigilants vautours
Rien à craindre de lui car
Un arrogant alligator
A séduit sa crocodilette
Et ils ont fui, les deux traîtres
A toutes griffes loin d’ici
Tapi dans le marigot
Le saurien solitaire est si triste, si morose
Qu’il en a perdu l’appétit
Un jour le marabout a dit :
Si tu attends au bord du fleuve
Si tu attends bien patiemment
Tu finiras par voir passer
Au fil de l’eau
Le cadavre de ton ennemi
Alors, une grosse larme au coin de l’oeil
Le crocodile surveille le fleuve
Il attend
Il a tout son temps
© Alice Calder
© Alice Calder